Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/149

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dant deux heures. Je remarquai que ses dents étaient serrées et ses mains crispées, comme lorsqu’on cherche par une tension excessive des muscles à résister à la fièvre et à l’agonie de l’esprit. Warburton et Thornton le suivirent. Celui-ci, avec son air habituel d’indifférence, promena ses petits yeux ronds et vifs du marquis à moi, et rougit légèrement. Néanmoins il ne laissa pas de me saluer avec son impudence accoutumée ; mais Warburton passa comme Tyrrel sans faire attention à ce qui l’entourait.

Il tenait ses grands yeux noirs fixés sur la personne qui marchait devant lui, sans que son regard déviât d’une ligne. La beauté remarquable de ses traits, que ne pouvait masquer la longueur de sa chevelure en désordre et de ses énormes favoris, était comme illuminée par un éclair de joie sauvage. Je me détournai de lui avec effroi.

Au moment où Tyrrel quittait la chambre, Warburton lui posa la main sur l’épaule : a Arrêtez-vous, lui dit-il, je vais du même côté que vous ; et je veux vous accompagner. » Il se retourna vers Thornton, qui était en grande conversation avec le marquis, et lui fit signe de la main de ne pas le suivre. À l’instant même il sortit avec Tyrrel.

Je ne pus rester plus longtemps. J’éprouvais une sorte d’inquiétude fébrile qui me poussait en avant. Je quittai le salon, et je me trouvai sur le palier avant que les deux joueurs fussent au bas de l’escalier. Warburton n’était qu’à quelques pas de moi ; l’escalier était faiblement éclairé par la lueur d’une lampe expirante ; il ne se retourna pas pour me regarder, et sa préoccupation probablement l’empêcha de m’entendre.

« Vous pouvez encore revenir sur l’eau, dit-il à Tyrrel.

— Impossible, répliqua ce dernier, avec un ton d’angoisse et de désespoir qui me perça le cœur. Je suis réduit à la mendicité, je n’ai plus rien au monde, il ne me reste plus qu’à mourir de faim ! »

Comme il disait ces mots, j’aperçus à la lueur pâle et incertaine de la lampe, que Warburton se couvrait la figure avec sa main.

« N’avez-vous plus d’espoir ? n’avez-vous pas un endroit d’où vous puissiez tirer quelque secours ? Votre pauvreté