Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/152

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Je mis son bras sous le mien, et je le conduisis de la cour dans la rue. Il me surveillait du regard avec un air d’inquiétude ; cependant, peu à peu, il parut reprendre ses esprits et, quand il eut enfin conscience de sa situation présente et de ce qui venait de se passer, il me pressa la main avec chaleur. Après avoir gardé quelques instants le silence, pendant que nous nous dirigions lentement vers les Tuileries, il me dit : « Pardonnez-moi, monsieur, de ne pas vous avoir remercié suffisamment de votre bonté et de vos attentions pour moi. Je suis maintenant tout à fait remis. L’air étouffant de cette chambre où je suis resté renfermé pendant plusieurs heures, l’excitation fébrile du jeu, tout cela a agi sur une organisation déjà fort délabrée, et causé cette indisposition passagère. Je suis maintenant, je vous assure, tout à fait remis, et je ne veux pas abuser plus longtemps de votre bienveillance.

— Vraiment, lui dis-je, vous feriez mieux de ne pas refuser mes services dans ce moment-ci. Souffrez que je vous accompagne jusque chez vous ?

— Chez moi ? murmura Tyrrel, en poussant un profond soupir. Non, non ! puis comme s’il revenait à lui : Je vous remercie, dit-il, mais, mais… »

Je vis son embarras et l’interrompant :

« Bien ! si je ne vous suis plus utile, je vais prendre congé de vous. J’espère que nous nous rencontrerons sous des auspices plus favorables pour faire connaissance. »

Tyrrel me salua, me pressa de nouveau la main et nous nous séparâmes. Je hâtai le pas pour rentrer à mon hôtel en suivant la longue rue de Rivoli.

Lorsque je fus à quelques pas devant Tyrrel, je me retournai pour le regarder. Il était resté à la même place où je l’avais laissé. Je vis à la clarté de la lune, qu’il avait les yeux et les bras levés vers le ciel. Cela ne dura qu’un moment ; son attitude changea, le temps de le regarder, et il continua à marcher lentement et avec calme dans la même direction que moi. Aussitôt rentré dans mon appartement, je me mis au lit, mais je ne pus dormir. La scène extraordinaire dont j’avais été témoin, l’expression sombre et féroce du visage de Glanville, marqué de l’empreinte des pas-