Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/153

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sions les plus terribles, le souvenir effrayant et mystérieux dont l’horreur s’était peinte sur la face livide et bouleversée du joueur ; le mystère du déguisement de Glanville ; cette vengeance impitoyable, et l’anxiété brûlante que je ressentais, non par un vain intérêt de curiosité, mais par suite de mon affection profonde et ancienne pour Glanville, toutes ces émotions se pressaient en foule dans mon esprit agité et malade. Je ne pus goûter un seul instant de repos.

Ce fut avec cette singulière sensation de plaisir, que peuvent seuls apprécier ceux qui ont souvent passé la nuit dans la douleur et l’inquiétude, que je vis la lumière du soleil pénétrer à travers mes volets, et que j’entendis Bedos aller et venir dans ma chambre.

« À quelle heure monsieur veut-il les chevaux de poste ? me demanda cet inappréciable valet.

— À onze heures, » lui répondis-je, et je sautai à bas du lit tout joyeux du changement à vue que le seul mot de voyage produisait dans mon esprit.

Je me mis à table pour déjeûner, tournant machinalement les pages du Galignani’s Messenger, quand le passage suivant attira mon attention :

« On parle, dans les salons du faubourg, d’un duel qui a eu lieu le… entre un jeune Anglais et monsieur D… La cause de ce duel est, dit-on, une rivalité entre ces deux messieurs qui prétendaient l’un et l’autre aux bonnes grâces de la belle duchesse de P. Or, si ce que l’on dit est vrai, elle ne se soucie ni de l’un ni de l’autre des deux galants, et garde ses faveurs pour un certain attaché de l’ambassade anglaise. »

« Voilà, me dis-je, comme on écrit l’histoire, Tous ceux qui liront cela croiront savoir la vérité. Quand un auteur écrit les mémoires de la cour, voilà à quelle source il puise ses anecdotes et ses scandales, et, cependant, peut-on être plus près de la vérité, et la dénaturer plus complètement ! Dieu merci, du moins, on n’est pas allé jusqu’à me soupçonner d’être favorisé d’un amour aussi dégradant que