Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/175

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L’assiette qui voyageait du plat de pudding au plus jeune enfant s’arrêta dans sa course comme le soleil à la voix de Josué. Le morceau que l’aîné des fils portait à sa bouche resta fixé à sa fourchette. Les sept dormants ne furent pas plus soudainement et plus complètement surpris par les charmes de l’enchanteur. « Ah ! m’écriai-je en m’avançant vivement, de l’air le plus joyeux et le plus aimable, quel bonheur pour moi de vous trouver tous à goûter ! Je me suis levé et j’ai déjeuné de si bon matin aujourd’hui, que je suis réellement affamé. Voyez comme cela se trouve bien, Hardy (dis-je en me tournant vers un des membres de notre société électorale qui m’accompagnait), justement je vous disais à l’instant que je ne savais pas ce que je donnerais pour trouver M. Saint-Quintin à table. Voulez-vous me permettre, madame, d’être un des vôtres ? »

Madame Saint-Quintin rougit, se troubla et murmura quelques mots que je résolus de ne pas entendre. Je pris une chaise, promenai mes yeux autour de la table faisant exprès de ne les arrêter sur rien, et je dis : « Du veau froid ! ah, ah ! il n’y a rien que j’aime autant que cela. Seriez-vous assez bon, M. Saint-Quintin, pour me le passer ? Holà ! mon petit homme, voyons si tu sauras me donner une pomme de terre. Tu es un brave garçon. Quel âge as-tu, mon jeune, héros ? À voir votre mère on vous donnerait deux ans, mais à vous voir on vous en donnerait six.

— Il aura quatre ans au mois de mai prochain, dit sa mère, rougissant, cette fois, de plaisir.

— Vraiment, repris-je en l’examinant avec attention ; puis me tournant vers le révérend Combermere, j’ajoutai sur un ton plus grave : « Je crois que vous avez une branche de votre famille fixée en France ; j’ai vu là-bas un Saint-Quintin qui est duc de Poitiers.

— Oui, dit M. Combermcre, oui, il y a encore en Normandie des Saint-Quintin, mais j’ignorais qu’ils eussent le titre de duc.

— Oh ! lui dis-je d’un air surpris, et jetant un nouveau regard sur l’enfant : « c’est une chose étonnante comme les ressemblances de famille se conservent longtemps. J’étais grand ami avec les enfants du duc. Mais pardon si je vous re-