Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/178

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CHAPITRE XXXVI


En sortant de chez M. Combermere nous allâmes chez un marchand de vin, homme brusque, rude, et radical, que j’avais peu de chance de gagner à ma cause. Mais le succès que je venais d’obtenir auprès de l’Armado clérical m’avait donné du courage, et je bravai toute crainte, quoique j’eusse les meilleures raisons du monde de ne pas espérer. Combien il est impossible d’établir des règles de conduite certaines pour arriver à gouverner les hommes, alors même qu’on connaît parfaitement le caractère des gens qu’il s’agit de gagner à sa cause ! Soyez digne et cérémonieux avec les Saint-Quintin, m’avait dit ma mère, et ce conseil, en thèse générale, était excellent. Si j’eusse trouvé les Saint-Quintin dans leur salon de réception, madame en grande toilette, les enfants bien tenus et réservés, j’eusse été aussi majestueux que Don Quichotte dans sa robe de chambre de brocart ; mais les trouvant en déshabillé, je devais affecter une très-grande simplicité, une aisance et une bonhomie parfaites. Je ne devais pas avoir l’air de quelqu’un qui est accoutumé à plus de luxe que je n’en voyais là ; il ne fallait pas, en dissimulant mal mon amour-propre, leur rappeler la blessure que le leur venait de recevoir. La grande difficulté était de mêler à cette familiarité un certain respect, tout comme aurait pu faire l’ambassadeur de France avec l’auguste personne de George III, s’il avait trouvé Sa Majesté à table à une heure après midi mangeant un ragoût de mouton aux navets.