Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/180

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un peu plus ce monsieur avant de m’aventurer à le traiter comme les autres individus de son espèce !

— Vous avez ici une jolie installation, M. Briggs, lui dis-je.

— Ah ! monsieur Pelham, j’ai aussi un joli petit vote qui ferait encore mieux votre affaire, à ce que je crois.

— Oh ! lui dis-je, monsieur Briggs, pour être franc avec vous, je vous avouerai que je suis venu vous voir pour vous demander votre voix ; donnez-la-moi, ne me la donnez pas, c’est comme vous voudrez. Vous pouvez être bien certain que je n’emploierai pas les petites manœuvres électorales à l’aide desquelles on cherche à amadouer les électeurs et à leur soutirer leur vote. Je vous demande votre voix, comme un homme libre à un homme libre. Si vous pensez que mon adversaire soit le représentant qu’il faut pour votre bourg, au nom du ciel, nommez-le ; si au contraire vous placez votre confiance en moi, je ferai mon possible pour ne pas la trahir.

— Bien dit, monsieur Pelham, s’écria M. Briggs, j’aime la franchise, et vous parlez selon mon cœur. Mais vous devez savoir que l’on n’aime pas à se laisser escamoter son indépendance d’électeur par un gaillard à la langue bien pendue qui vous envoie au diable aussitôt que l’élection est faite. On n’aime pas, ce qui est pis encore, se laisser effaroucher par quelqu’un de ces jolis messieurs, de ces fats qui ont toujours leur généalogie à la main, qui étalent sur leur face l’orgueil de leurs milliers d’arpents, et qui croient vous faire beaucoup d’honneur en vous demandant votre voix ! C’est une triste époque pour un pays libre comme celui-ci, monsieur Pelham, quand on voit un tas de mendiants vaniteux comme ce curé Quincy (c’est comme cela que j’appelle ce révérend imbécile de Combermere Saint-Quintin) qui s’imaginent avoir le droit de régenter et d’influencer d’honnêtes gens qui pourraient les acheter et au-delà, eux et toute leur famille. Je vous le dis, monsieur Pelham, nous ne ferons jamais rien de ce pays-ci, tant que nous ne serons pas délivrés de ces aristocrates terriens avec leurs ancêtres et leur hâblerie. J’espère que vous êtes de mon avis, monsieur Pelham.