Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/185

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savent n’est bon qu’à leur servir d’excuse pour ce qu’ils ignorent. Je parie qu’il ne vous faut pas un mois pour acquérir des aperçus plus justes et plus profonds qu’ils n’en ont acquis pendant tout le cours de leur vie. La grande erreur de l’éducation c’est de former l’esprit par les auteurs de l’antiquité d’abord, et de contrôler les principes du présent avec les maximes et l’autorité du passé. Nous suivrons, dans notre plan, un ordre inverse de la méthode ordinaire. Nous apprendrons les doctrines du jour, comme les premiers éléments et les plus nécessaires de tous, et nous jetterons ensuite un regard sur celles du passé, à titre de recherches plus curieuses qu’utiles.

« Vous voyez cette petite brochure ; c’est un écrit de M. Mill sur le gouvernement.

« Nous allons le consulter à fond, et après cela, nous pourrons dire que nous en savons plus sur les principes les plus élevés de la politique, que les deux tiers des jeunes gens dont vous avez été accoutumé à entendre porter aux nues la culture intellectuelle. »

En même temps, mon oncle ouvrit la brochure. Il me fit voir que les raisonnements en étaient serrés et mathématiques, qu’on n’y trouvait point de prise ni de matière à controverse ; puis chemin faisant, il combla, grâce à la profondeur, à la clarté et à l’étendue de son esprit, les lacunes que le logicien politique avait laissées à la réflexion du lecteur le soin de remplir. Mon oncle avait cette grande qualité, dans l’exposition du sujet, de ne pas vouloir tout expliquer ; il ne faisait jamais parade de ses lectures, et il n’embrouillait point par des commentaires inutiles ce qui était simple et facile à comprendre.

Lorsque nous eûmes terminé cette première séance, je fus tout étonné du jour qui se faisait dans mon esprit. J’étais comme Sindbad le marin lorsque, errant dans la caverne où il avait été enterré vivant, il aperçut la première lueur du jour, filtrant à travers une crevasse.

Naturellement plein d’ardeur pour tout ce que j’entreprenais, charmé d’appliquer mes connaissances et habitué à bien examiner la valeur des différents objets qui avaient jusqu’ici attiré mon attention, je fis de grands progrès dans