Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/184

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— Je croirais volontiers, Henry, que c’est là votre réponse habituelle à une pareille question.

— Je le crois aussi, répondis-je ingénument.

— Eh bien, alors, on va enlever le déjeûner et nous allons faire quelque chose ce matin.

— Volontiers, » dis-je, en agitant la sonnette.

La table fut desservie et mon oncle commença son examen. Le pauvre cher homme ne se doutait guère, d’après ma tenue habituelle et la nature de mon éducation, qu’il n’y avait guère, en littérature, de sujets que je ne connusse aussi à fond que lui-même. Je jouis de sa surprise, lorsque, peu à peu, je vis qu’il découvrait toute l’étendue de mes connaissances : mais je fus quelque peu mortifié de voir qu’il en était plus surpris que ravi.

« Vous avez, me dit-il, un grand fonds d’instruction, beaucoup plus considérable, je l’avoue, que je n’aurais pu me l’imaginer : mais ce sont des connaissances positives et non des notions générales, que je désire vous voir acquérir. Je voudrais que vous fussiez dépourvu des unes afin de vous doter plus facilement des autres. L’objet de l’éducation est de nous inculquer des principes qui doivent ensuite nous guider et nous instruire : la connaissance des faits n’est utile qu’autant qu’ils viennent confirmer ces principes ; la connaissance des principes doit, par conséquent, précéder celle des faits. Que penser, dès lors, d’un système d’éducation qui renverse cet ordre naturel, consiste à bourrer la mémoire de faits plus ou moins authentiques, et à laisser, au contraire, complètement dans l’ombre, les principes qui seuls peuvent nous aider à retirer quelque avantage et quelque profit de cette masse de notions hétérogènes ? L’instruction sans le savoir, n’est qu’un amas de préjugés, un tas de matière inerte qui encombre la porte de l’intelligence et ne laisse point de place au sens commun. Arrêtons-nous un instant et passons en revue ceux de nos contemporains que l’on regarde généralement comme les plus instruits ; dites-moi un peu si cette grande instruction les a rendus vraiment plus sages. Dites-moi si, chez ces gens-là, un nom propre ne suffit pas pour sanctionner une opinion, une citation pour constituer un axiome ? Ce qu’ils