Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/193

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Washington avec un bras en l’air, tout à fait comme une théière. Entre les deux fenêtres (mauvaise disposition pour le jour) était accroché un miroir oblong vers lequel je me dirigeai aussitôt et où j’eus le plaisir de voir mon teint de la couleur des rideaux qui pendaient de chaque côté et projetaient sur la glace la teinte riante d’un vert gazon. Je reculai avec effroi et je regardai le garçon. Si je m’étais vu dans un miroir reflétant la couleur délicate de rideaux roses, j’aurais dit au garçon d’un air aimable et souriant : « auriez-vous l’obligeance de me donner la carte ». Mais dans l’état présent des choses, je lui dis d’un ton rogue : « apportez-moi la carte. »

Le garçon roide comme un piquet s’inclina avec solennité et sortit lentement. Je regardai encore une fois tout autour de moi et je découvris deux ornements qui m’avaient échappé à première vue, c’était une bouilloire et un livre. Dieu soit loué, me dis-je en prenant le livre, cela ne peut pas être un ouvrage de Jérémie Bentham, non, c’était le guide à Cheltenham. Je regardai au chapitre des divertissements… bal paré au salon, tous les… je ne sais plus quel jour de la semaine c’était ; en tout cas c’était ce jour-là même, ce jour signalé par mon arrivée dans le petit salon de l’hôtel ***.

« Dieu soit loué ! » me dis-je, en voyant Bedos entrer avec mes effets, et je lui ordonnai aussitôt de tenir tout préparé d’avance, pour que je pusse aller au bal paré à dix heures et demie. Le garçon rentra avec la carte : « soupe, côtelettes de mouton, beefsteaks, roostbeefs, pieds de mouton, etc., etc., lion, oiseaux.

— Donnez-moi de la soupe, lui dis-je, une tranche ou deux de lion et une demi-douzaine d’oiseaux.

— Monsieur, me dit le solennel garçon, nous ne pouvons vous servir qu’un lion tout entier, et nous n’avons plus que deux oiseaux.

— Dites-moi, lui demandai-je, est-ce que vous êtes dans l’habitude de tirer vos provisions de bouche de la ménagerie d’Exeter-Change, ou si vous élevez ici des lions en basse cour comme de la volaille ?

— Monsieur, me répondit le garçon refrogné qui ne se per-