Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/219

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faut de la ouate ici ; notre poitrine ne bombe pas tout à fait assez, et nous ajouterons un pouce de plus à la largeur des épaules ; il faut bien faire son effet dans ce monde, monsieur Pelham, et un peu plus serré à la taille, qu’en dites-vous ?

— Monsieur, lui dis-je, vous voudrez bien, premièrement, prendre exactement ma mesure, et secondement suivre mes instructions. Avez-vous fini de me prendre mesure ?

— C’est fini, monsieur Pelham, répondit mon manmaker, d’une voix grave et solennelle.

— Eh bien ! à présent, vous aurez la bonté de ne pas rembourrer le moins du monde mon habit, vous voudrez bien ne pas me faire la taille d’un iota plus mince que cela ne convient à la disposition naturelle de cette partie de mon corps, et vous consentirez, je n’espère pas moins de votre bonté infinie, à me laisser tel que le bon Dieu m’a fait.

— Mais, monsieur, il nous faut de la ouate, nous sommes trop grêle, tous ces messieurs les gardes du corps sont ouatés, monsieur.

— Monsieur, lui répondis-je, ne dites pas nous, s’il vous plaît, quand vous parlez de vous et de moi ; et puis, vous permettrez que j’aie des habits comme un gentleman qui, je vous prie de le comprendre, n’est pas un garde du corps et qui ne demande qu’à pouvoir se montrer dans les rues, sans être pris pour un Guy Fawkes du cinq novembre. »

M… parut tout déconfit. « Nous n’aurons pas de succès, monsieur, quand nous serons finis, non, nous n’en aurons pas, je vous assure. Je reviendrai samedi à onze heures. Bonjour, monsieur Pelham, on ne nous rendra jamais justice si nous ne cherchons pas à faire de l’effet dans le monde. Bonjour, monsieur Pelham. »

Mais assez parlé des tailleurs en personne ; disons un mot pourtant de cet art divin, dont ils sont les professeurs. Hélas ! ô instabilité de toutes les sciences humaines ! Il y a quelques mois, alors que je publiais la première édition de ce mémorable ouvrage, je donnais sur la manière de s’ha-