Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/24

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Nelthorpe ; bien qu’il eût, par ses habits et sa tournure, l’air d’un gentleman, il ne s’arrêta pas pour nous demander si nous étions alarmées ou blessées, à peine nous regarda-t-il.

— Oh ! ce n’est pas cela qui m’étonne, dit M. Wormwood, qui entrait en ce moment en compagnie de lord Vincent.

— Il s’évanouit comme un fantôme au milieu des rochers, aussi vite qu’il était apparu.

— Ah ! vous avez vu ce garçon-là, vous aussi, dit lord Vincent, c’est comme moi ; et je puis dire que c’est un personnage diabolique et tout à fait extraordinaire.

Comme un fauve lion dont la pupille sombre
D’un éclat effrayant parfois brillait dans l’ombre,
Il promenait sur moi de farouches regards
Secouant ses cheveux sur son visage épars.

— Les vers sont bien cités et bien appliqués, monsieur Pelham !

— En vérité ? dis-je, quant à l’application je n’en saurais juger, car je n’ai pas vu le héros de l’aventure.

— Oh ! c’est admirable ! dit miss Trafford, et c’est justement la description que j’en aurais faite en prose. Mais, je vous prie, où, quand et comment l’avez-vous vu ?

— Votre question, madame, ressemble au grand mystère de la Trinité, tria juncta in uno, répondit lord Vincent, mais je veux y répondre avec la simplicité d’un quaker : hier matin je revenais d’une des réserves de sir Lionel, et j’avais envoyé devant le garde, afin de pouvoir plus à mon aise…

— Apprendre par cœur des traits d’esprit pour le dîner, dit M. Wormwood.

— Comprendre le sens du dernier ouvrage de M. Wormwood, continua lord Vincent. Mon plus court chemin était de traverser ce cimetière qui est à un mille d’ici, et qui est bien ce qu’il y a de plus beau dans ce vilain pays. Car il y végète un arbre et trois chardons. Comme je mettais le pied dans cet endroit, je vis tout à coup un homme se lever de terre. Il resta un instant immobile,