Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/276

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— Assez, lui dis-je, d’un air indifférent.

— Quel singulier caractère ! reprit Thornton. Moi aussi je le connais depuis plusieurs années. » Et en disant cela Thornton me lança de nouveau un regard scrutateur. Le pauvre sot ! Il fallait un peu plus de pénétration qu’il n’en avait pour lire dans le cor inscrutabile d’un homme né et nourri comme moi dans la dissimulation la plus consommée du bon ton.

« Il est très-riche, n’est-ce pas ? dit Thornton, après quelques moments de silence.

— Je le crois, lui dis-je.

— Hum ! reprit Thornton. Les choses ont aussi bien tourné pour lui qu’elles ont tourné mal pour moi, car j’ai eu juste autant de chance que la vache qui s’est empêtrée par les cornes. Je suppose qu’il n’a pas trop envie de me reconnaître, « pauvreté chasse camaraderie ; » bah ! au diable l’orgueil ! Parlez-moi d’un cœur honnête, toujours ouvert à l’amitié, hiver comme été, dans la disette comme dans l’abondance. Mon Dieu, je ne trouverai donc pas un ami qui veuille me prêter vingt livres ? »

Je ne répondis rien, Thornton soupira. « Monsieur Pelham, reprit-il, il est vrai que je vous ai connu pendant peu de temps, excusez la liberté que je prends ; mais si vous pouviez me prêter cette bagatelle, cela m’obligerait vraiment beaucoup.

M. Thornton, lui dis-je, si je vous connaissais davantage et que je pusse vous venir en aide, vous seriez en droit d’attendre de moi un secours plus efficace que la bagatelle dont je puis maintenant disposer en votre faveur. Si réellement c’est vous rendre service que de vous prêter vingt livres, je vous les prêterai, à une condition, c’est que vous ne me demanderez plus jamais un liard. »

Le visage de Thornton s’éclaircit : « Mille, mille… murmura-t-il.

— Non, non, lui dis-je, pas de remerciements, promettez-moi seulement ce que je vous demande.

— Sur mon honneur ! dit Thornton, je ne vous demanderai plus jamais un liard ! »

Il paraît, me dis-je en moi-même, qu’il y a de l’honneur