Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/275

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Il a été très-vivement applaudi et on lui a fait une véritable ovation.

— Quel est son nom ? dis-je, me doutant bien déjà de la réponse.

— On vient de me le dire à l’instant, comme je sortais de la chambre, me répondit M*** ; c’est sir Réginald Glanville. »

Alors je vis tous ceux que j’avais entendus auparavant blâmer la roideur de Glanville ou rire de son excentricité, ouvrir la bouche toute grande pour se congratuler eux-mêmes de leur pénétration qui leur avait fait depuis longtemps admirer le talent de Glanville et prédire ses succès. Je quittai la « turba Remi sequens fortunam, » j’étais dans un état d’agitation fébrile. Ceux qui savent ce que c’est que d’apprendre inopinément la nouvelle d’un grand succès remporté par un homme pour lequel on a une vive affection, mais dont le succès même se trouve en lutte avec un autre intérêt qui vous tient au cœur, comprendront dans quel trouble d’esprit je me trouvais. L’air était froid et piquant ; je boutonnais mon habit, lorsque j’entendis une voix qui disait : « vous perdez votre gant, monsieur Pelham. »

L’homme qui me parlait ainsi était M. Thornton. Je le remerciai froidement de sa civilité, et je continuai ma route, mais il ne me laissa pas partir et me dit : « Si vous allez par Pall Mall je puis vous tenir compagnie pendant quelques minutes. »

Je le saluai avec une certaine hauteur ; mais comme je ne perds jamais une occasion de connaître plus à fond le caractère des gens, je lui dis que je serais heureux de l’avoir pour compagnon de route, autant que cela ne le dérangerait pas de son chemin.

« Il fait grand froid ce soir, M. Pelham, me dit-il au bout de quelques instants. J’ai dîné chez Hatchett, avec une vieille connaissance de Paris. Je suis bien fâché de ne pas vous avoir vu plus souvent en France, mais j’étais si occupé avec mon ami M. Warburton. »

En prononçant ce nom, Thornton me regarda en face, puis il ajouta : « À propos, je vous ai vu avec sir Réginald Glanville l’autre jour ; vous le connaissez, beaucoup, je suppose.