des charbons ardents, et il se mordit la lèvre jusqu’au sang ; cependant il se contenta de répondre :
« Vous paraissez agité ce soir, sir Réginald. Je souhaite que vous reveniez bientôt à une meilleure santé. Monsieur Pelham, votre serviteur. »
Nous continuâmes notre route, Glanville et moi, sans parler ; arrivé à sa porte, je le quittai, et n’ayant rien de mieux à faire, j’allai à la maison de jeu de N***. Il y avait là seulement dix ou douze personnes qui toutes se tenaient autour de la table ; je regardai en silence les filous faire leurs affaires aux dépens des sots, et les cadets corriger par leur habileté les torts de la fortune envers eux.
L’honorable M. Blagrave vint à moi.
« Est-ce que vous ne jouez jamais ? me dit-il.
— Quelquefois, lui répondis-je.
— Prenez-moi cent livres, me dit cet aimable homme.
— J’allais justement vous faire la même demande », répondis-je.
Blagrave se mit à rire de bon cœur. « Eh bien, me dit-il, répondez pour moi auprès d’un juif, et je répondrai à mon tour pour vous. C’est un drôle qui me prête de l’argent à quatre pour cent seulement. Mon respectable père est un diable de vieil avare, et pourtant je suis bien le fils le plus rangé qu’il y eût sous la calotte des cieux. Je ne vais ni à la chasse ni aux courses, et je ne fais aucune dépense si ce n’est au jeu ; il ne veut pas me passer cette petite distraction… vous m’avouerez que c’est là une conduite honteuse !
— Ô quelle incroyable barbarie ! lui dis-je ; en ce cas, vous faites bien de manger votre bien avec les juifs avant de le posséder ; il n’y a pas pour vous de meilleur moyen de vous venger de votre respectable père.
— Soyez tranquille, dit Blagrave, rapportez-vous-en à moi pour cela ! Allons il me reste cinq livres, je retourne au jeu. »
À peine m’eut-il quitté que je fus accosté par M. ***, un aventurier de bonne mine qui vivait, le diable sait comment, car maître Belzébuth paraissait prendre à lui un bien vif intérêt.