Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/283

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que fût ce mystère, il était évidemment d’une espèce assez triste, et ce n’était pas à moi à chercher à en soulever le voile. Ce jour-là, il se mit donc à parler de Thornton avec un air indifférent.

« J’ai, me dit-il, connu cet homme-là pendant quelque temps ; il m’a été utile là-bas, et je l’ai bien payé de ses services. Il a depuis fait plusieurs fois appel à ma bourse, mais je ne lui ai pas plus tôt donné de l’argent qu’il va le dépenser à la roulette. Je crois bien qu’il fait partie d’une bande de filous de la plus basse espèce, et je suis décidé à ne plus subvenir aux besoins crapuleux de ses camarades et de lui : c’est une méprisable et vile canaille qui ne reculerait devant aucune énormité, si on le payait bien. »

Glanville s’arrêta un instant, puis il ajouta en rougissant et d’une voix hésitante et embarrassée :

« Vous souvenez-vous de M. Tyrrell, à Paris ?

— Oui, lui dis-je, il est à présent à Londres et… » Glanville bondit comme si je l’avais frappé.

« Non, non, s’écria-t-il d’un air effaré ; il est mort à Paris, de misère, de faim.

— Vous vous trompez, lui dis-je, il est aujourd’hui sir John Tyrrell, à la tête d’une belle fortune. Je l’ai vu moi-même, il y a trois semaines. »

Glanville me prit le bras, fixa sur moi son regard brûlant et pénétrant, et je vis ses joues pâlir et devenir livides. À la fin il se retourna et murmura quelque chose entre ses dents. À ce moment la porte s’ouvrit et l’on annonça Thornton. Glanville s’élança vers lui, et le saisissant à la gorge. « Chien ! lui cria-t-il, tu m’as trompé, Tyrrell vit !

— À bas les mains, cria le joueur, en faisant une terrible grimace, à bas les mains, ou par le seigneur mon maître, vous allez recevoir coup pour coup.

— Misérable ! lui dit Glanville, et son pauvre corps usé et grêle, mais encore fort, tremblait par l’excès de la passion. Oses-tu bien menacer ? » Et en disant ces mots il lança Thornton contre la muraille avec tant de force que celui-ci rendit le sang par la bouche et par les narines. Le joueur se releva lentement et, tout en essuyant le sang qui lui couvrait la face, il fixa ses yeux méchants et hardis sur son