Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/38

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— Oui-dà, répondit le poète avec un ricanement peu flatteur pour la personne de lord Vincent, je pensai à la tournure de Votre Seigneurie et je dis… les grâces !

— Hum ! Hum ! gratia malorum tam infida est quam ipsi, comme dit Pline, » murmura lord Vincent en se levant de table et en boutonnant son habit.

Je profitai du silence qui suivit pour m’approcher de lady Roseville et lui faire mes adieux à voix basse. Elle me répondit avec bienveillance et même avec une certaine chaleur. Elle me pressa, d’une manière qui jouait la sincérité à s’y méprendre, de ne pas manquer de la venir voir aussitôt qu’elle serait de retour à Londres. Je me hâtai de prendre congé de tout le monde, et, une demi-heure après, j’étais à plus d’un mille de Garrett-Park et de ses habitants. Je ne peux pas dire que pour quelqu’un comme moi, qui aime assez à se laisser gâter et à se faire servir, il y ait rien de bien délicieux dans ces visites à la campagne. Passe encore pour des gens mariés. En qualité de gens mariés, ils ont droit à une certaine considération. On peut parfois leur octroyer une chambre à coucher un peu plus grande qu’une niche à chien, et une glace qui ne leur fait pas une bouche de travers comme une attaque de paralysie. Mais nous autres célibataires, nous ne savons pas tous les ennuis et tous les désagréments qui nous attendent, quand nous avons le malheur de nous confier aux hasards d’une hospitalité rurale. Nous sommes relégués dans une mansarde, à la merci des rats, et exposés aux incursions des hirondelles ; nos ablations se font dans une cuvette fêlée, et nous sommes si éloignés de toute assistance humaine, que l’impulsion donnée à nos cordons de sonnettes va se perdre à la moitié de l’escalier.

Deux jours avant mon départ de Garrett-Park, une énorme souris s’empara de mon savon à barbe et l’emporta ; je vis cela de mes yeux sans trouver aucun moyen de résister à cette agression. Oh ! les misères d’un célibataire sont au-dessus de tout ce qu’on peut croire ! et ce qu’il y a de pis, c’est que sa position de célibataire semble lui enlever tout droit même à la compassion. Un célibataire peut faire ceci, un célibataire doit faire cela, cette place-ci sera tou-