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CHAPITRE XI


Madame d’Anville tint sa promesse. L’invitation me fut exactement envoyée ; et à dix heures et demie je me fis conduire rue d’Anjou.

Les salons étaient remplis de monde. Lord Bennington se tenait près de la porte et à côté de lui j’aperçus mon vieil ami lord Vincent qui paraissait extrêmement distrait ; ils vinrent l’un et l’autre à ma rencontre en même temps. « Ne vous avisez pas, leur dis-je en moi-même, en voyant la démarche majestueuse de l’un et l’expression comique de la physionomie de l’autre, ne vous avisez pas (que vous veuillez jouer la tragédie ou la comédie) de trancher avec moi du Garrick. »

Je parlai d’abord à lord Bennington parce que je compris que j’en aurais plus tôt fini avec lui ; après quoi j’eus à essuyer, pendant un quart d’heure, le débordement de traits d’esprit que ce pauvre lord Vincent accumulait depuis plusieurs jours sans pouvoir s’en défaire. Je pris rendez-vous avec lui pour dîner le lendemain chez Véry, et je le plantai là pour me glisser jusqu’à madame d’Anville.

Elle était entourée d’hommes, et elle parlait à chacun d’eux avec cette vivacité qui est si gracieuse chez une Française et qui serait si vulgaire chez une Anglaise ; ses yeux n’étaient point dirigés de mon côté ; mais elle s’aperçut de ma présence, grâce à ce sens exquis que possèdent les coquettes. Aussitôt elle changea de place afin de me donner occasion de m’asseoir à côté d’elle. Je n’eus garde de