Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/44

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Je me suis toujours piqué d’être bon cavalier, et mon cheval était le plus fringant et le plus beau de tout Paris. La première personne que je vis ce fut Mme d’Anville. Justement j’étais en train de ramener la bride à mon coursier et le vent se jouait à travers les longues boucles de mes cheveux ; je savais bien que je me présentais en ce moment avec tous mes avantages. Je lançai donc mon cheval vers son équipage, qu’elle fit arrêter immédiatement, et je m’empressai de lui rendre mes devoirs et de lui faire ma cour.

« Je vais tantôt chez la duchesse D… me dit-elle, c’est son jour, y viendrez-vous ?

— Je ne la connais pas.

— Dites-moi le nom de votre hôtel et vous recevrez une invitation à dîner aujourd’hui.

— Je loge à l’hôtel de —, rue de Rivoli, pour le moment au second étage. L’année prochaine je suppose, grâce aux progrès ordinaires de la vie d’un garçon, je serai au troisième, car ici la personne et la bourse jouent à la bascule : quand l’une descend, l’autre monte. »

Nous causâmes environ un quart d’heure pendant lequel j’employai tous mes soins à faire comprendre à la jolie Française que j’avais reporté sur elle toute la bonne opinion que j’avais montrée la veille sur moi-même.

Comme je retournais chez moi, je rencontrai M. Aberton avec trois ou quatre de ses amis. Avec cette fine fleur de politesse particulière aux Anglais, ils tournèrent tous en même temps les yeux pour les fixer et les concentrer sur moi. « N’importe, dis-je en moi-même, ils faudra qu’ils soient diablement forts pour trouver quelque chose à redire à mon cheval ou à ma personne. »