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CHAPITRE XIII


Je me promenais par désœuvrement dans le Palais-Royal (que les Anglais, suivant un proverbe ridicule, appellent la capitale de Paris, quoiqu’en réalité on ne voie jamais s’y promener ni un Français distingué ni une Française qui se respecte). Curieux de voir la physionomie des petits cafés, j’entrai dans un estaminet de mauvaise mine, je pris un Journal des théâtres et je demandai de la limonade. À la table voisine de la mienne deux ou trois Français, d’un aspect peu recommandable, parlaient à haute voix de l’Angleterre et des Anglais. Leur attention ne tarda pas à se fixer sur moi.

Avez-vous jamais fait cette remarque ? Lorsque les gens sont disposés à ne pas vous trouver de leur goût, tout ce que vous pouvez faire les agace, l’action la plus innocente, le geste le plus inoffensif, s’il est en dehors de leurs coutumes et de leurs habitudes. À peine ma limonade eut-elle fait son apparition que je m’aperçus d’un mouvement de déplaisir croissant chez mes voisins de table. D’abord, on ne doit pas, comme vous pensez bien, boire de la limonade, en France, pendant l’hiver ; ensuite il y avait de ma part une sorte d’ostentation à me faire servir cet article qui est l’un des plus chers qu’on puisse demander. Par malheur je laissai échapper mon journal qui alla tomber sous la table des Français. Au lieu d’appeler le garçon, j’eus la sottise de me baisser moi-même pour le ramasser ; or il était justement sous le pied de l’un d’eux. Je le priai très-