Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/55

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leur demanda s’ils avaient l’intention d’aller chez l’armurier prendre des pistolets.

« Des pistolets ! dit le témoin du Français, nous ne nous battons qu’à l’épée.

— Non, non, dit mon nouvel ami, on ne prend pas le lièvre au tambourin. C’est nous qui sommes l’offensé, et c’est nous par conséquent qui avons le choix des armes. »

Par bonheur j’entendis cette discussion et je dis à mon second : « Des épées ou des pistolets c’est tout un pour moi, je me sers également bien des deux, seulement faites vite. »

On choisit donc l’épée ; et on se procura promptement des armes. Les Français ne laissent jamais refroidir leurs querelles. Comme il faisait une nuit superbe et qu’on y voyait très-clair, nous nous rendîmes sur-le-champ au bois de Boulogne. Nous choisîmes un endroit écarté et qui devait être, je suppose, le rendez-vous ordinaire pour ce genre de rencontres. J’étais plein de confiance, car je me savais de première force à l’escrime. De plus, j’avais l’avantage du sang-froid, tandis que mon héroïque adversaire me paraissait fort ému. Nous croisâmes le fer, et il ne me fallut que quelques instants pour découvrir que j’avais entre les mains la vie de mon partenaire. « C’est bien, me dis-je, pour cette fois je veux être généreux. »

Le Français se fendit sur moi en désespéré. Je le désarmai, et ramassant aussitôt son épée je la lui présentai en lui disant :

« Je suis très-heureux maintenant, monsieur, de pouvoir vous offrir mes excuses. Serez-vous assez bon pour les considérer comme suffisantes ? Un homme qui ressent si vivement une injure doit savoir aussi la pardonner. »

Jamais Français résista-t-il à une phrase bien tournée ? Mon héros reçut son épée en s’inclinant profondément ; il avait les larmes aux yeux.

« Monsieur, me dit-il, vous m’avez vaincu deux fois. »

Nous nous quittâmes les meilleurs amis du monde et nous remontâmes, après force salutations, dans nos fiacres respectifs.

« Laissez-moi, dis-je, quand je me trouvai seul avec