Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/57

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CHAPITRE XIV


Je ne connais pas de caractère plus difficile à décrire que celui de lord Vincent. Si je voulais imiter certains écrivains qui pensent que la meilleure manière de peindre le caractère d’un individu, c’est d’en saisir une particularité essentielle et de reproduire ce trait distinctif à chaque instant et en tout lieu, ma tâche serait plus facile. Je n’aurais qu’à présenter au lecteur un homme dont la conversation n’était que jeux de mots et citations, un mélange d’Yorick et de Partridge. Ce serait pourtant faire tort au caractère que je veux peindre. Il y avait des moments où lord Vincent, engagé sérieusement dans une discussion, ne laissait pas échapper un seul jeu de mots. Les citations n’arrivaient que comme des exemples d’une application sérieuse, et non comme les fantaisies d’un esprit bizarre. Il possédait une érudition très-variée et une mémoire d’une étendue et d’une fidélité surprenantes. C’était un critique sévère, et il avait un art tout particulier pour citer des passages de l’auteur qu’il analysait, à l’appui de ses observations. Semblable en cela à la plupart des hommes, s’il était d’une très-grande rigidité sur les principes en philosophie, il était en pratique d’une tolérance fort accommodante. L’inflexibilité et l’austérité de ses doctrines pouvaient le faire prendre pour un Caton ; ce qui ne l’empêchait pas d’être un véritable enfant, par sa facilité à céder au caprice du moment. Il aimait la méditation et les recherches, mais il aimait encore plus la joie et le plaisir.