Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/69

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Jusqu’ici elle n’a pas eu le bonheur de faire la connaissance d’un seul Anglais (cependant elle a en pension une de nos compatriotes) et (comme elle a le désir de faire fortune le plus vite possible) elle est très-jalouse d’avoir l’honneur de faire notre connaissance. On lui a parlé fort avantageusement de notre fortune et de notre sagesse, et elle se flatte de voir en nous les Grandes-Indes en personne. À dire le vrai, une Française pense qu’elle ne doit jamais renoncer à faire fortune, tant qu’il y a quelque riche imbécile dans le monde,


Stultitiam patiuntur opes ;


voilà son espoir ; et


Ut tu fortunam, sic nos te, Celse, feremus,


voilà sa devise.

— Madame Laurent, répétai-je, mais c’est le nom de l’hôtesse de M. Margot, j’en suis sûr.

— J’espère que non, s’écria Vincent, dans l’intérêt de notre dîner. Car la mine de ce Monsieur ne fait guère honneur à la cuisine de son hôtesse :


En faisant bonne chère on devrait être gras.


— Après tout, dis-je, nous pouvons toujours essayer de la bonne dame pour une fois. Je suis curieux de voir une compatriote à nous, celle probablement dont vous parliez, et que M. Margot m’a peinte sous les plus brillantes couleurs. De plus, elle s’est prise d’un violent caprice pour mon solennel précepteur. Que pensez-vous de cela, Vincent ?

— Il n’y a rien d’extraordinaire à cela, me dit-il, la dame n’a qu’à dire comme le moraliste :


Amour, vertu, valeur, amitié, dons charmants !
Tout cela pêle-mêle, avec ces ossements
Est enfoui. La tombe a des beautés étranges ! »


Je répondis par quelques calembours et nous allâmes faire un tour aux Tuileries pour gagner de l’appétit, avant de paraître au dîner de madame Laurent.

À cinq heures et demie, nous nous rendions à l’endroit indiqué. Madame Laurent nous reçut avec des marques