Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/68

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la physionomie. Les femmes aiment l’âme, Monsieur ; quand on a quelque chose d’intelligent et de spirituel, il n’en faut pas davantage pour leur plaire ; mais c’est égal, mes succès ont quelque chose de singulier !

Dame aussi, monsieur, lui répondis-je, avec de la dignité, de l’expression et de l’âme, comment voulez-vous trouver une seule Française dont le cœur vous résiste ! Non, vous ne vous rendez pas justice. On a dit de César qu’il était grand sans effort ; à plus forte raison, M. Margot doit-il être heureux sans se donner de mal.

— Ah ! Monsieur, reprit le Français, de qui l’on pouvait dire :


Aussi faible, aussi grave et sérieux sans doute
Que le vieux Lanesbro dansant avec la goutte,


ah ! monsieur, il y a dans vos remarques une profondeur et une vérité dignes de Montaigne. Comme il est impossible de se rendre compte des caprices d’une femme, il est conséquemment impossible d’analyser le mérite qu’elles trouvent en nous. Mais, Monsieur, tenez, dans la maison que j’habite, il y a une dame anglaise, en pension ; eh bien, Monsieur, vous devinez le reste ! elle a pris un caprice pour moi, et cette nuit même elle doit m’introduire dans son appartement. Elle est très-jolie. — Ah ! qu’elle est belle ! une jolie petite bouche, une denture éblouissante, un nez tout à fait grec, enfin un vrai bouton de rose ! »

Je témoignai à M. Margot combien j’étais jaloux de sa bonne fortune ; il s’étendit longuement sur ce sujet et s’en alla. Un instant après Vincent entra : « J’ai une invitation à dîner pour nous deux, aujourd’hui, me dit-il, voulez, vous venir ?

— Très-volontiers, lui répondis-je, mais quelle est la personne qui nous fait cet honneur ?

— Madame Laurent, répondit Vincent, une de ces dames qu’on ne trouve qu’à Paris, et qui vivent de tout autre chose que de leurs revenus. Elle tient une table passable, fréquentée par des Russes, des Polonais, des Autrichiens et des Français désœuvrés :


Peregrinæ gentis amœnum hospitium.