Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/72

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— Pourtant, dis-je, en conservant ma gravité avec un aplomb qui faillit faire éclater Vincent et quelques autres Anglais, madame avouera qu’il existe une ressemblance frappante entre ces deux personnes pour la figure, et pour la sublimité du jeu.

Pour ça, j’en conviens, répliqua cette excellente duchesse qui rappelait si bien quelque personnage de la Critique de l’École des femmes, mais cependant Liseton n’a pas la nature, l’âme, la grandeur de Talma.

— Voulez-vous dire cela que nous n’avons pas d’acteurs de talent ? dit Vincent.

— Mais non, dans le genre comique, par exemple, Kean votre bouffon met dix fois plus d’esprit et de drôlerie dans ses rôles que La Porte.

— L’impartialité et la profondeur du jugement de madame n’admettent pas de réplique sur ce point, lui dis-je ; mais que pense-t-elle de l’état actuel de notre littérature dramatique ?

— Ah ! répliqua la duchesse, vous avez de grands poètes ; mais quand ils veulent écrire pour la scène ils ne font rien de bon ; la pièce de Rob-Roy de votre Walter Scott est bien inférieure à son roman.

— C’est un grand malheur, dis-je, que Byron n’ait pas voulu mettre son Childe Harold en tragédie ; il a tant d’énergie, d’action, de variété !

— C’est bien vrai, reprit la duchesse avec un soupir, mais la tragédie, après tout, n’a été bien comprise qu’en France ; nous seuls l’avons poussée jusqu’à la perfection.

— Pourtant, dis-je, Goldoni a écrit quelques bonnes tragédies.

— C’est possible ! dit-elle, mais une rose ne fait pas un jardin. »

Et satisfaite de cette observation, la femme savante se tourna vers un voyageur célèbre et entama avec lui la question du passage du Pôle Nord.

Il y avait là un ou deux Anglais de mérite ; Vincent et moi nous allâmes les rejoindre.

« Vous êtes-vous trouvé avec le prince de Perse ? me dit sir George Lynton ; c’est un homme de beaucoup de ta-