Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ma foi ! dis-je, j’ai été si occupé !

Ah, mon ami ! s’écria Vincent, la plus grande preuve d’oisiveté qu’on puisse donner, c’est de se plaindre d’être très-occupé. Eh bien ! vous avez perdu, car le pamphlet est bon. C. a un esprit extraordinaire, quoique d’une portée médiocre ; cela ressemble au jardin d’un bourgeois de Londres, un petit parterre ici, là une petite pagode chinoise, un chêne dans un coin, une petite couche de champignons dans un autre, et, dominant le tout, une ruine gothique au fond, en face de la porte-fenêtre cintrée ; en une enjambée on le traverse : ce sont les quatre parties du monde dans une taupinière. Mais tout y est bien dans son genre ; il n’y a rien dont l’arrangement ne soit prémédité et de la dernière élégance.

— Que pensez vous ? lui dis-je, du baron de… le ministre de… ?

— Oh ! lui ! répondit Vincent,


Son esprit peut-être
N’a pas mis une fois le nez à la fenêtre.


Il a l’air sombre et effaré, il est plein des noirs fantômes de l’ancien régime. C’est une chauve-souris qui voltige autour des cloîtres d’une ancienne abbaye. C’est un pauvre, antique, et petit esprit ! mais je ne veux rien dire de plus sur lui :


Pour un objet si chimérique
C’est par trop être satirique.


Ainsi laissons là l’esprit du baron de… ! » Voyant lord Vincent si disposé à mordre, je dirigeai immédiatement sa rage contre M. Aberton,

« Aberton ! vous me demandez si je connais cet aimable jeune homme ! oui, une espèce d’individu qui, lorsqu’il parle de la haute société, dit : nous ; qui met en vue sur sa cheminée la fleur des cartes de visite qu’il a reçues, et qui s’écrit à lui-même des billets doux de duchesse ; un in-12 « pensées précieuses » relié en veau. Oh, je connais bien l’homme, il se met bien, n’est-ce pas ?