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— Ses habits sont bien faits, répondis-je naïvement.

— Ah oui ! dit Vincent, c’est un homme qui va chez le meilleur tailleur et qui lui dit : « Faites-moi un collet comme celui de lord tel et tel, » qui ne porterait pas un gilet neuf avant d’en savoir la coupe patronnée et autorisée, et qui prend ses airs à la mode et sa sottise chez les meilleurs fournisseurs. C’est de ces gens qui sont trop honteux d’eux-mêmes pour n’être pas fous de leurs habits ; ils font comme les marins chinois, qui brûlent de l’encens devant une aiguille[1].

— Et M. Howard de Howard ? lui dis-je en riant, que pensez-vous de lui ?

— Quoi ! le maigre Eupatris ? s’écria Vincent, c’est l’incarnation de la ligne droite, une longueur sans largeur. Son ami inséparable, M. Aberton, courait l’autre jour après lui dans la rue Saint-Honoré, et en le voyant poursuivre cette maigre apparition, je dis à Bennington : « J’ai trouvé le vrai Pierre Schlemil. — Qui ça ? me dit avec une naïveté sérieuse sa grave Seigneurie. — C’est M. Aberton, lui répondis-je, ne le voyez-vous pas qui court après son ombre ? » Mais l’orgueil de ce pauvre garçon est quelque chose de si amusant ! Il est cousin au quinzième degré du duc, et son exorde favori est celui-ci :


Lorsque j’hériterai des titres de mes ancêtres.


L’autre jour il assistait à la conversation de deux ou trois jeunes gens assez sots, qui discutaient sur la religion et le gouvernement, et qui vinrent à tenir des propos irréligieux. (M. Howard de Howard est lui-même trop peu substantiel pour n’avoir pas de tendances au spiritualisme.) Cependant il se contenta de s’agiter sur sa chaise. On se mit ensuite à dire du mal du souverain ; M. Howard de Howard s’agita de nouveau sur sa chaise ; mais voilà que ces jeunes gens passèrent à l’aristocratie qu’ils n’épargnèrent pas davantage ; là-dessus ce diminutif de grand per-

  1. Les Chinois, considérant la boussole comme un don de Dieu, ont pour cet instrument un respect idolâtre.