Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/98

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Mais ce pauvre Tyrrel ! vous ne voulez pas le laisser mourir de faim, seul, abandonné ?

— Seul, non ! s’écria-t-il, avec un accent féroce. Quand cet homme sera tout à fait à l’agonie, quand il sera épuisé par la fatigue, le chagrin, la maladie et la faim, quand il sera étendu sur son lit, mourant, quand le râle de la mort le tiendra à la gorge et qu’un voile épais commencera à s’étendre sur ses yeux, quand le remords peuplera sa chambre de fantômes infernaux, et que, dans sa couardise, il adressera en tremblant une humble prière au ciel, alors, je serai là ! »

Il y eut un long silence troublé seulement par des sanglots que la femme semblait s’efforcer de comprimer. Enfin l’homme se leva, et, d’une voix si douce qu’on eût dit une musique, il lui dit les choses les plus tendres. Elle céda bientôt à ses accents persuasifs et lui répondit d’un air décidé :

« Eh bien oui ! en dépit de mes remords, pourvu que je ne te perde pas, vie, honneur, espoir, mon âme même, je te sacrifie tout ! »

À ces mots ils quittèrent le banc où ils étaient assis et disparurent.