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nicatifs. Enchanté d’avoir une bonne occasion de faire la connaissance de cet Épicurien, je m’offris à faire ouvrir les portes du cercle à son ami à l’instant même. L’offre fut acceptée avec empressement, et grâce à un mot écrit au crayon par lady*** le gardien des enfers, Caron, fut apaisé, et le malheureux put traverser tranquillement le Styx pour pénétrer jusqu’à l’Élysée.

Guloseton m’accabla de remercîments. Je remontai l’escalier avec lui, je manœuvrai de façon à me mettre dans ses bonnes grâces, je me fis inviter à dîner, pour le lendemain, et je revins enchanté de ma bonne fortune.

À huit heures du soir, le lendemain, je faisais mon entrée dans le salon de lord Guloseton. C’était un petit appartement meublé avec un grand luxe et avec assez de goût. Une Vénus du Titien, placée au-dessus de la cheminée, étalait la richesse et les grâces voluptueuses de sa beauté sans voile. De chaque côté se voyait un tableau à la touche délicate et aux tons dorés, de Claude le Lorrain ; c’étaient les seuls paysages qu’il y eût dans ce salon. Les autres tableaux étaient plus en harmonie avec la Vénus du luxurieux Italien. Il y avait un chef-d’œuvre de Peter Lely, une admirable copie du tableau : Héro et Léandre ; sur la table les Basia de Johannes Secundus et quelques ouvrages français sur la gastronomie.

Quant au genius loci, figurez-vous un homme de taille moyenne, d’un âge moyen, ayant les apparences d’une santé plutôt délicate que florissante. À le voir, rien n’annonçait qu’il fût adonné à la bonne chère. Ses joues n’étaient ni gonflées ni bouffies, son corps sans être mince, était cependant d’une obésité légère à porter, l’extrémité de son organe nasal avait, il est vrai, une teinte un peu plus rouge que le reste ; son front était haut et chauve, et quelques mèches qui l’ombrageaient encore étaient disposées avec art et bouclées à l’antique. Une paire de gros sourcils grisonnants que ce noble personnage avait, on ne sait pourquoi, l’habitude de relever et d’abaisser alternativement en parlant, protégeaient deux petits yeux ronds, perçants, malins, d’un vert tendre, qui roulaient sans cesse dans leurs orbites. Sa large bouche et ses lèvres épaisses,