Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’eût été Glanville qui l’eût assassiné, en tous cas il ne l’eût pas volé. Il est vrai que, dans la lutte qui vraisemblablement s’était engagée entre la victime et le meurtrier, l’argent avait pu tomber de la poche de Tyrrell soit dans l’herbe qui était très-épaisse en cet endroit, soit dans l’étang bourbeux auprès duquel le meurtre avait été commis. Il était possible aussi que Thornton, sachant que la victime avait sur elle une aussi forte somme et n’ignorant pas que cette circonstance avait été communiquée soit à moi soit à quelque autre, n’eût pas pu, alors qu’il était venu sur le lieu du crime avec Dawson, résister à une pareille tentation. Néanmoins il y avait, dans ce fait, passage pour un rayon d’espoir, et j’étais trop emporté par mon tempérament et aussi par mon amour pour ne pas me retourner vivement de ce côté, et faire taire, par instants, les pensées sombres qui navraient mon esprit.

Je me trouvais souvent en contact immédiat avec Glanville. Engagés l’un et l’autre dans le même parti, dans les mêmes entreprises politiques, nous nous rencontrions souvent en public et quelquefois seuls. Je restais toujours froid et réservé, et l’attitude de Glanville confirmait plutôt qu’elle ne détruisait mes soupçons, car il ne me questionnait point sur les causes de ma conduite et il imitait ma froideur. Cependant, j’avais le cœur brisé lorsque je voyais dans sa maigreur croissante, dans ses joues creuses, le progrès fatal de la maladie qui devait le mettre au tombeau. Tandis que toute l’Angleterre retentissait du nom du jeune orateur sans rival et que tous les partis s’unissaient pour lui prédire les plus brillants succès, je sentais combien il était peu probable, quand même l’auteur de ce crime échapperait aux recherches vigilantes de la justice, que le monde possédât bientôt autre chose que le souvenir de cet homme de génie. Il y avait, dans son amour des lettres, ses habitudes de luxe et de dépense, l’énergie de son esprit, son isolement, sa tristesse, sa hauteur, la réserve de ses manières et la sévérité de ses mœurs, quelque chose qui me rappelait l’Allemand Wallenstein. Il n’était pas non plus tout à fait exempt des superstitions de cet homme méchant mais extraordinaire. À la vérité il ne