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croyait point aux fables romanesques de l’astrologie, mais il était, en secret, l’avocat zélé du monde des esprits. Il ne rejetait pas comme absolument fausse l’histoire des visites que les revenants font aux vivants. Si j’avais moins bien connu les inconséquences de l’esprit humain, j’aurais été surpris de voir un esprit si fort et si sensé du reste, montrer à cet égard tant de crédulité et de faiblesse, constater sa croyance en une fiction si contraire à la réflexion, en contradiction absolue avec la philosophie qu’il aimait passionnément et les principes qu’il professait hautement.

Un soir, chez lady Roseville, il n’y avait que Vincent, Clarendon et moi, lorsque Réginald et sa sœur entrèrent. Je me levai pour partir, la belle comtesse ne le voulut pas permettre, et lorsque jetant les yeux sur Hélène je la vis rougir sous mon regard, la faiblesse de mon cœur prit le dessus et je restai.

La conversation roula en partie sur les livres et principalement sur la science du cœur et du monde, car lady Roseville était un peu philosophe et un peu plus que littéraire ; sa maison comme les hôtels de Mme du Deffand et de Mme d’Épinay, était une de celles où l’on traitait le mieux les sujets les plus graves et les plus légers, où il était de mode de ne pas se gêner sur les choses et de ne pas ménager les personnes. Donc la médisance n’y était point interdite ; et les maximes sur les hommes, les réflexions sur les mœurs y étaient aussi bien à leur place que les observations sur l’opéra et les bals.

Toutes les personnes qui se trouvaient réunies ce soir-là, étaient faites pour se comprendre ; elles étaient toutes du monde, et en même temps habituées aux travaux de cabinet, mais chacune d’elles avait une manière différente d’exprimer ses connaissances ou ses observations. Clarendon était sec, précis, fin ; il avait cette philosophie soupçonneuse commune à tous les hommes qui n’en sont pas à leur début dans le monde. Vincent relevait son érudition par des citations ou des métaphores, et par une grande originalité d’expression. Lady Roseville ordinairement parlait peu, sa conversation avait plus de grâce que de solidité. Elle était naturellement mélancolique et pen-