Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/142

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Qu’il méprise personnellement le premier, comme il estime le second ; et qu’il soit, par-dessus tout, convaincu aussi bien que persuadé de la vérité des assertions de Vincent, c’est-à-dire, qu’on ne lui demandait aucun sacrifice de principes, ou d’idées, non, rien qu’une alliance contre les hommes, opinions réservées. Et quels étaient ces hommes ? m’étaient-ils attachés par un seul lien ? méritaient-ils un seul égard de ma reconnaissance ? Non ! C’étaient des hommes qui, plus que tous les autres, m’avaient abreuvé des plus grands affronts, et méritaient de moi la plus mince estime.

Cependant, si des sentiments humains pouvaient me faire balancer, je sentais que ce n’était pas par ceux-là seuls que je devais me décider. Je ne suis pas un homme dont les vertus et les vices soient réglés par l’impulsion et la passion du moment ; si je suis prompt à agir, je suis lent d’habitude à délibérer. Je me tournai vers Vincent et lui serrai la main : « Je n’ose pas me décider à vous répondre maintenant, lui dis-je, accordez-moi jusqu’à demain, j’aurai alors eu le temps de réfléchir et de prendre une détermination. »

Je n’attendis pas sa réponse ; je m’éloignai rapidement, je tournai le passage qui conduit à Pall Mall, et me hâtai de rentrer au logis pour me consulter avec mon cœur. Hélas ! ce n’était pas pour trouver plus de calme.

Dans ces confessions je ne me suis point fait scrupule d’avouer mes erreurs et mes faiblesses ; tout ce qui pouvait donner plaisir ou profit au lecteur lui appartenait. Je n’ai laissé de voile que sur les émotions les plus sombres et les plus orageuses de mon âme ; toutes les choses qui ne pouvaient ni amuser ni instruire les autres, je les ai gardées pour moi.

Les heures s’écoulèrent, le moment de m’apprêter arriva, je sonnai Bedos, je m’habillai comme d’habitude, les grandes émotions dérangent peu les opérations mécaniques de la vie, et je courus chez Guloseton.

Il n’avait jamais été plus amusant ; le dîner, de son côté, n’avait jamais été meilleur ; mais, me croyant assez intime avec mon hôte pour ne pas être obligé de dissimuler