Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/143

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mes sentiments, je restai distrait, préoccupé, maussade.

« Qu’avez-vous, mon ami, me dit l’excellent épicurien ; vous n’avez ni applaudi mes bons mots, ni goûté mes escalopes ; et votre humeur morose n’a pas eu plus d’égards pour mon chevreuil que pour mes sentiments ? » Le proverbe a bien raison de dire que « le chagrin est expansif. » Je confesse que j’étais pressé de m’ouvrir à quelqu’un en qui je pusse me confier. Guloseton m’écouta avec beaucoup d’attention et d’intérêt. Il me dit avec bonté : « Quelque peu que je me soucie moi-même de ces matières, je sais cependant sympathiser avec ceux qui s’y intéressent. Je désirerais pouvoir vous servir plus utilement que par des avis. Quoi qu’il en soit, vous ne pouvez pas, j’imagine, hésiter à accepter l’offre de Vincent. Peu importe que vous soyez assis sur un banc ou sur l’autre, pourvu que ce ne soit pas dans un courant d’air ; ou que vous dîniez chez lord Lincoln ou chez lord Dawton, si leurs cuisiniers se valent ? Quant à Dawton, j’ai toujours pensé que c’était un fourbe, un pauvre hère, qui achète ses vins bon marché et vend cher ses services. Allons, mon cher ami, buvons à sa confusion. »

En même temps, Guloseton remplit mon verre jusqu’aux bords. Il m’avait montré de la sympathie, je pensai donc qu’il était de mon devoir de le payer de retour ; et nous ne nous séparâmes que quand les yeux du bon vivant virent plus de choses dans le ciel et sur la terre que n’en rêva jamais le philosophe à jeun.