Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/23

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caractères en étaient mal formés, la lumière était insuffisante, et il était forcé de s’arrêter à chaque mot, de sorte que le fer entrait en quelque sorte peu à peu dans son cœur. La passion se traduisit autrement chez lui que chez Glanville ; chez celui-ci, c’était une rapide succession de sentiments violents, qui se pressaient comme les flots agités ; c’était la passion d’un cœur fort et sensible à l’excès, pour lequel un coup d’aiguille était un coup de poignard, et qui déployait la force d’un géant pour écraser l’insecte qui l’attaquait. Chez Tyrrell, c’était la passion agissant sur un cœur endurci et sur un corps usé, sa main tremblait, sa voix était hésitante, il ne pouvait plus commander aux muscles qui président à la parole ; mais il n’y avait chez lui ni ces élans d’indignation, ni ces étincelles que l’injure fait jaillir d’une âme bien trempée ; chez lui c’était le corps qui dominait et paralysait l’esprit ; chez Glanville c’était l’esprit qui gouvernait et faisait mouvoir le corps.

« M. Pelham, me dit-il, après avoir fait quelques efforts pour donner à sa voix de l’assurance, ce billet mérite réflexion. Je ne sais pas pour le moment qui sera mon second. Voulez-vous revenir me voir demain matin ?

— Je suis désolé, lui dis-je, mais j’ai pour instructions de vous demander une réponse immédiate. Sans doute que l’un de ces messieurs que j’ai vus tout à l’heure avec vous, voudra bien vous servir de second ? »

Tyrrell demeura un instant sans me répondre. Il s’efforçait de se donner une contenance, et il y réussit assez bien. Il éleva la main comme pour porter un défi et déchirant le papier d’un air délibéré, malgré le tremblement de ses doigts, il en éparpilla les fragments et les foula aux pieds.

« Reportez-lui d’abord ceci, dit-il, c’est que je lui renvoie les paroles infâmes et calomnieuses qu’il a proférées contre moi, que je foule aux pieds ses assertions avec le mépris que je ressens pour sa personne ; et qu’avant vingt-quatre heures je veux l’affronter devant la mort, comme je le brave pendant la vie. Du reste, M. Pelham, je ne puis pas dire avant demain matin quel sera mon second. Lais-