sez-moi votre adresse et je vous ferai rendre réponse demain avant votre lever. Avez-vous quelque chose à ajouter.
— Rien, lui dis-je, en posant ma carte sur la table, j’ai accompli la plus ingrate mission dont j’aie jamais été chargé. Je vous souhaite le bonsoir. »
Je remontai en voiture et me fis conduire chez Glanville. Je pénétrai brusquement dans sa chambre ; il était appuyé sur une table et regardait attentivement une miniature. À côté était une boîte de pistolets. L’un des deux pistolets était en bon état et prêt à servir, l’autre était démonté ; la chambre était, comme d’habitude, remplie de livres et de papiers et sur les riches coussins de l’ottomane reposait ce grand chien noir, son vieux compagnon que j’avais vu souvent avec lui, le seul être au monde dont il pût supporter en tout temps la société. L’animal était roulé en boule, tenant ses yeux vifs et noirs fixés attentivement sur son maître ; sitôt que j’entrai il fit entendre, sans bouger de place, un grognement sourd en signe d’avertissement.
Glanville se redressa et, un peu confus, cacha le portrait dans un des tiroirs de la table, puis il demanda quelles nouvelles je lui apportais.
Je lui dis mot pour mot comment les choses s’étaient passées ; Glanville grinça des dents et sa main se crispa, puis, comme si sa colère était apaisée, il changea subitement de sujet de conversation. Il se mit à parler avec beaucoup de verve et d’entrain des affaires du jour, de la politique, de Guloseton, dont il rit ; en un mot il parut aussi indifférent et insouciant à l’endroit des événements du lendemain que j’aurais pu l’être moi-même avec mon tempérament flegmatique.
Lorsque je me levai pour sortir, car je prenais trop d’intérêt à lui pour en prendre le moins du monde aux sujets dont il parlait, il me dit :
« Je vais écrire une lettre à ma mère et une autre à ma pauvre sœur ; vous les leur remettrez si je tombe, car j’ai décidé que l’un des deux doit rester mort sur la place. Je suis impatient de savoir de quelle heure vous conviendrez avec le second de Tyrrell. Dieu vous garde et à bientôt ! »