Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/253

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au printemps, Thornton et moi nous étions aux aguets. Il était descendu pour y séjourner, le temps des courses, dans une maison que je venais d’hériter de mon père, mais qui était plutôt pour moi une occasion de dépense qu’un avantage ; surtout parce que ma femme, qui était la fille d’un aubergiste, était très-négligente et très-dépensière. Là nous fûmes mis dedans par un jockey que nous avions gagné à grands frais, et nous perdîmes dans les paris une somme considérable. Entre autres personnes, je perdis avec sir John Tyrrell. J’en exprimai ma contrariété à Thornton. Il me dit de ne pas m’en inquiéter. « Promettez, me dit-il, à sir John de le payer s’il veut venir à la ville ; je suis parfaitement convaincu qu’avec ma recette infaillible au jeu nous pourrions gagner assez pour acquitter cette dette. » Il était si pressant que je me laissai persuader ; mais Thornton m’a dit depuis que son seul motif était d’empêcher sir John d’aller chez le marquis de Chester (où il était invité) avec la société de milord ; et d’avoir ainsi une occasion d’accomplir le crime qu’il méditait alors.

« En conséquence, selon le désir de Thornton, je priai sir John Tyrrell de venir avec moi à Newmarket. Il le fit. Je le quittai, je rejoignis Thornton, et nous nous rendîmes à la maison de jeu. Nous étions engagés dans ce jeu infaillible de Thornton quand sir John entra. J’allai à lui, je m’excusai de ne pas le payer, et je lui dis que je m’acquitterais dans trois mois. Cependant, sir John entra dans une grande colère et me traita avec tant de grossièreté que toute la table le remarqua. Quand il fut parti, je dis à Thornton combien j’étais blessé et indigné du traitement de sir John. Il m’enflamma encore davantage, exagéra la conduite de sir John, me dit que j’avais souffert la plus grossière insulte. Enfin, pour vous donner une idée du transport de colère où il me jeta, j’allai jusqu’à dire que, si j’étais un gentleman, je voudrais me battre avec Tyrrell sans me lever de table.

« Quand Thornton vit que j’étais ému à ce point, il me fit sortir de la chambre, et me conduisit dans une auberge. Là il commanda à dîner et fit servir plusieurs bouteilles