Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/86

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m’a-t-il dit, était d’un gentleman qui était presque désespéré, un M. Wormwood.

— Oh ! vous êtes facétieux, vous voulez vous amuser, dit le cynique, froidement, mais parlez-moi donc, de grâce, de cette horrible affaire de Chester-Park. Comme cela a dû être désagréable pour vous d’être arrêté comme meurtrier.

— Monsieur, lui dis-je avec hauteur, que voulez-vous dire ?

— Ah ! vous n’avez pas été arrêté, vraiment ? tant mieux, cela m’avait fait de la peine ; mais tout le monde le disait.

— Mon cher monsieur, répliquai-je, depuis quand vous occupez-vous de ce que tout le monde dit ? Si j’en faisais autant, moi, je ne me promènerais pas avec vous ! Mais j’ai toujours soutenu, en dépit de tout le monde, et même au point d’être universellement blâmé pour la singularité de mes opinions, que vous, mon cher monsieur Wormwood, vous n’étiez ni un sot, ni un ignorant, ni un insolent, ni un malotru. J’ai soutenu, seul contre tous, que vous étiez, au contraire, un auteur très-décent et un excellent homme ; que vous étiez si bienveillant que vous passiez votre vie à rendre service et à répandre le bonheur autour de vous ; ce bonheur, je l’éprouve en vous disant : bonsoir. »

Et sans attendre la réponse de M. Wormwood, je rendis la main à mon cheval. Je me perdis bientôt au milieu de la foule qui commençait à encombrer la promenade.

Hyde-Park est un lieu insipide. Les Anglais du beau monde font d’une affaire un plaisir et du plaisir une affaire. Ils sont venus au monde privés du sourire ; ils errent dans les lieux publics comme certains vents d’Est, froids, incisifs, insupportables, ou comme un groupe de brouillards échappés par un jour de gelée de l’antre de Borée, uniquement pour lutter à qui sera le plus sombre. Lorsqu’ils vous demandent : « Comment vous portez-vous ? » il semble qu’ils prennent la mesure de votre cercueil. Ils se donnent toujours à la vérité beaucoup de mal pour être agréables ; mais ils sont comme Sisyphe, la pierre qu’ils s’efforcent