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qu’un sauvage de l’Inde dans les bottes et les vêtements d’un Européen civilisé.

— C’est de là aussi, ajoutai-je, que naît cette vulgarité d’idées et de manières qui gagne la société tout entière, car il n’y a rien de si plébéien que l’imitation.

— C’est une vérité évidente, dit Clarendon, mais ce que je déplore le plus, c’est la méthode peu judicieuse qu’emploient certaines personnes pour remédier à ce mal, et diminuer les désagréments de ce mélange. Je me souviens que, lors de l’ouverture des salons d’Almack, on avait l’intention d’éloigner les riches roturiers, de ce lieu dont le ton devait être si contraire au leur. On institua dans cette intention des dames patronnesses, en même temps on eut soin de fixer le prix d’admission à un taux très-bas et d’éviter tout ce qui pouvait ressembler à du luxe et à de l’ostentation dans le service. C’était une admirable institution pour servir les intérêts de la petite oligarchie qui l’avait fondée ; eh bien, cela n’a fait qu’augmenter encore la manie de l’imitation et la vulgarité. Peut-être les annales de ce cercle renferment-elles des choses plus fâcheuses pour l’aristocratie anglaise que l’histoire de l’Europe entière n’en pourrait fournir. Et comment les Messieurs et Mesdames Jourdain auraient-ils pu manquer de suivre servilement l’exemple ridicule de Monseigneur le Duc et Pair.

— C’est une chose étrange, dit une des douairières, que de tous les romans qui se donnent pour des tableaux de la société, et dont nous sommes inondés chaque année, il n’y en ait presque pas un qui en présente une description passable !

— Cela n’est pas étrange, dit Clarendon en souriant ; pour peu que Votre Seigneurie veuille bien y réfléchir, elle sera de mon avis. La plupart des historiens de notre petit grand monde n’y ont jamais mis les pieds. C’est tout au plus s’ils ont eu la chance de pouvoir se trouver accidentellement sur le chemin de B… et de C…, personnages de seconde ou même de troisième catégorie. Il y en a quelques-uns, il est vrai, qui sont gentilshommes, mais des gentilshommes qui ne savent pas écrire, sont d’aussi mau-