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leur prêtent la même hauteur et la même importance.

— Mais, mon Dieu, dit un petit comte français qui venait de s’approcher de nous, comment se fait-il que vous regrettiez de ne pas trouver une description intéressante de la société quand la société est elle-même si ennuyeuse ? Plus le portrait serait ressemblant, plus il serait assommant. Votre manière de vous amuser consiste à vous tenir sur un escalier où l’on s’étouffe et à vous plaindre de votre sort.

L’on s’accoutume difficilement à une vie qui se passe sur l’escalier.

— C’est vrai, dit Clarendon, nous avons tort en cela. Nous sommes un peuple plein de sens, d’intelligence, de bravoure, de sagacité, de générosité ; nous sommes industrieux, enfin nous avons l’âme bien placée ; mais il faut avouer que nous sommes terriblement ennuyeux pour nous-mêmes et pour le reste du monde. Lady Paulet, puisque vous voulez absolument partir sitôt, faites-moi l’honneur d’accepter mon bras.

— Vous voulez dire, votre main : dit le Français.

— Je vous demande pardon, répondit le galant vieillard, je dis comme votre brave compatriote qui avait perdu ses jambes à la bataille, à une belle dame comme celle qui est en ce moment à mon côté. Elle lui demandait s’il n’aurait pas mieux aimé perdre les deux bras ? Non, madame (et c’est la réponse à votre observation, monsieur le comte), j’ai besoin de mes mains pour garantir mon cœur. »

La déroute s’étant mise dans notre petite réunion, je me dirigeai vers une autre partie du salon où se tenaient Vincent, lady Roseville, Hélène et deux ou trois autres personnes réunies autour d’une table couverte de livres et de gravures. Hélène était assise à la droite de lady Roseville ; il y avait un siège vacant à côté d’elle, je fis semblant de ne pas m’en apercevoir et j’allai m’asseoir de l’autre côté, à la gauche de lady Roseville.

« Oserai-je demander à miss Glanville, dit lord Vincent en prenant sur la table un petit volume, si elle admire beaucoup les poésies de cette dame ?