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— Sont-ce les poésies de mistress Hemans ? demanda Hélène, oh ! j’en suis enchantée, plus que je ne saurais dire ; si c’est le Sanctuaire de la forêt que vous tenez là, je suis sûre, qu’en y jetant les yeux, vous partagerez mon admiration. »

Vincent tourna les feuillets avec le calme et l’indifférence d’un homme fort blasé sur les livres ; mais à peine en avait-il parcouru deux pages que sa physionomie s’anima : « C’est très-beau, dit-il, vraiment et complètement beau. Quelle chose singulière qu’un pareil livre ne soit pas plus connu ! Je ne l’avais jamais vu. Mais de qui sont ces notes au crayon ?

— De moi, je crois, » dit Hélène d’un air modeste.

Lady Roseville mit la conversation sur Byron.

« Je dois avouer que, pour ma part, dit lord Edward Neville (auteur assez connu et de beaucoup de mérite), je suis fatigué de tous ces chants plaintifs dont on nous gratifie depuis tant d’années. Lord Byron ne s’est pas plus tôt déclaré malheureux, que tous les jeunes gens à face pâle et à cheveux noirs se sont plantés devant leur miroir et ont pris une mine lamentable ; après quoi, ils ont composé des odes au Désespoir. Quiconque s’est senti capable d’aligner quelques vers s’est mis à faire rimer « âme flétrie et mélancolie. » Jamais on ne vit pareil penchant pour le genre triste.

— Il serait assez intéressant, dit Vincent, de rechercher l’origine de cette manie douloureuse. On en fait remonter à tort la responsabilité à ce pauvre lord Byron. Cela nous est venu certainement de l’Allemagne ; peut-être Werther est-il le premier héros de cette école ?

— Il y a, dis-je, un préjugé inexplicable et très-répandu, d’après lequel tout ce qui est sombre est réputé profond, et tout ce qui est gai déclaré futile. On a habillé cette pauvre philosophie en grand deuil, et on lui a donné un cercueil pour pupitre avec un crâne pour écritoire.

— Oh ! s’écria Vincent, je me rappelle quelques vers qui se rapportent si bien à votre observation que je vous demande la permission de vous interrompre pour les citer. Madame de Staël a dit, dans un de ses ouvrages, que la