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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/119

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CHAPITRE VIII. — POLITIQUE EXTÉRIEURE.

toute l’Italie à mon intérêt ; plût à Dieu que les rois de France n’eussent jamais l’idée d’essayer leurs forces dans ce pays ! Si l’on en vient là, l’Italie sera perdue [1]. Pour d’autres princes, au contraire, le roi de France est tour à tour un moyen ou un objet de terreur ; ils le présentent comme un épouvantail dès qu’ils ne voient pas d’expédient plus commode pour sortir d’un embarras quelconque. Enfin les papes croyaient pouvoir négocier avec îa France sans danger pour eux-mêmes ; c’est ainsi qu’innocent VIII avait encore la faiblesse de croire qu’ii pouvait bouder et se retirer dans le Nord, pour ensuite revenir en conquérant avec une armée française [2].

Ainsi les esprits sérieux prévoyaient la conquête étrangère bien avant l’expédition de Charles VIII [3]. Et

  1. Nicolô Valoki, di Lorenzo, Flor., 1568, traduction en italien de l’original latin imprimé pour la première fois en 1749 (Cet original se trouve aussi dans Galletti, PhiL Villani Liber de doit Fiorentiœ famosis civibus, Florence. 1847, p. 161-183 ; ou y trouve le passage que nous citons.) Il faut pourtant remarquer que cette biographie, la plus ancienne de toutes (elle a été écrite peu de temps après la mort de Laurent), est plutôt un panégyrique qu’une histoire, et particulièrement que les paroles mises ici dans la bouche de Laurent ne figurent pas dans le livre du chroniqueur français et n’ont guère pu être prononcées. En effet, Comines, qui fut envoyé par Louis XI à Florence et à Rome, dit (Mémoires, liv VI ch. v) : ^ Je ne pouvais pàs lui offrir une armée, car je n’avais qué ma suite. - (Compar. Reümont, Laurent, p. 197, 429 ; H, p, 598.) Dans une lettre envoyée de Florence à Louis XI (23 août 1478), il est dit netlomeut : OntíUSspes nostra rejjosita est in faooribus Suce Majcs~ latis, A. DeSJ.IRDINS, Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane (Paris. 1859), I, p. 173. Laurent Iiii-méme écrit dans un sens analogue dans Kervynde Letteniiove, Lettres a négociations de rhihppe de Comines, I, p. 190. On Yoit donc que Laurent est un suppliant qui demande humblement du secours, et non un prince orgueilleux qui refuse le secours qu’on lui offre.
  2. Fabroni, Laurentius Magnificas, adnot., 285 ss. Même OU trouve dans un de ses brefs ces paroles textuelles : Flectere si ncqueo snperos, Acheronia moveho. Nous aimons à croire qu’il ne fait pas allusion à une alliance avec les Turcs. (Villahi, di Savonarola, p. 48.)
  3. P. ex. Jovian. Pontanus dans sou Charon. Dans le dialogue