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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/197

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CHAPITRE IV. — LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES.

C’est Franco Sacchetti qui donne, dans ses nouvelles, le choix le plus remarquable de mots piquants dits à Florence pendant ce même siècle. La plupart du temps ce ne sont pas des histoires proprement dites, mais des réponses faites dans certaines circonstances, d’horribles naïvetés que débitent des écervelés, des bouffons de cour, des fripons, des courtisans, pour excuser leurs méfaits ; ici le comique consiste dans le contraste violent de cette naïveté réelle ou apparente avec les principes reçus et la morale ordinaire. On emploie tous les moyens de mettre en relief les mots piquants, même, par exemple, l’imitation de certains dialectes orientaux. Souvent l’esprit est remplacé par l’insolence brutale, la tromperie grossière, le blasphème et l’ordure ; quelques plaisanteries de condottiere[1] sont ce qu’il y a de plus cynique dans ce genre. Plus d’une farce rentre dans le haut comique ; mais il en est aussi beaucoup qui sont simplement une preuve supposée de la supériorité personnelle d’un individu sur un autre. Nous ne savons pas ce qu’on se passait les uns aux autres, combien de fois la victime s’est contentée de mettre les rieurs de son côté par une riposte adroite ; mais ce qui est certain, c’est que ces tours révélaient souvent une méchanceté froide et brulale, et qu’ils ont dû souvent rendre ia vie très-incommode à Florence *. Déjà l’inventeur et narrateur de tours est devenu une figure qui s’impose[2] ; il

    Pétrarque : Contra Gallum, contra medicum objurgantem, enfin son écrit Dcsui ipsiusct multorumignorantia, peut-être aussi ses Epistolœ sine titulo, peuvent être cités comme d’anciens exemples d’ouvrages satiriques. 40, 41 ; il s’agit de Ridoifo da Camerions.

  1. La farce connue de Brunellesco et du gros sculpteur sur bois, Manetlo Ammanatini, que la mystification dont il fut l’objet poussa, dit-on, à s’exiler en Hongrie, peut être appelée cruelle, malgré l’esprit et l’imagination qu’elle suppose.
  2. L’araido de la seigneurie florentine, citons, à titre d’exemple