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CHAPITRE III
LA TYRANNIE AU QUINZIÈME SIÈCLE

La tyrannie au quinzième siècle présente un tout autre caractère. Un grand nombre de petits tyrans, et même quelques-uns des plus considérables, tels que les Scala et les Carrara, ont cessé d’exister ; les puissants se sont arrondis et ont donné à leurs États une organisation plus savante ; sous la main de la nouvelle dynastie aragonaise, Naples obéit à une direction plus éaergique. Mais ce qui caractérise surtout ce siècle, ce sont les efforts des condottieri pour arriver à la souveraineté indépendante, et même à la couronne : c’est un nouveau pas vers le triomphe de la forcé ; en même temps c’est une prime élevée, qui peut tenter le talent aussi bien que la scélératesse. Pour se ménager un appui, les petits tyrans entrent volontiers au service des États puissants et deviennent leurs condottieri, ce qui leur procure un peu d’argent et, d’autre part, leur assure l’impunité de plus d’un méfait, peut-être même l’agrandissement de leur territoire. En somme, grands et petits sont désormais obligés de se donner plus de peine, de joindre l’intelligence et le calcul à la force, et de s’abstenir de cruautés inutiles ; ils ne peuvent plus commettre d’autres méfaits que ceux qui leur permettent d’arriver à leur but ; ceux-là, les juges désintéressés dans la