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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/304

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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

de la ville étemelle, en donne les raisons ; ses vues, bien qu’étroites, ne manquent pas de justesse :

« Les représentations de Plaute et de Térence, qui étaient autrefois l’école de la bonne latinité pour les Romains de distinclion, ont dû céder la place à des comédies italiennes. L’orateur élégant ne trouve plus l’admiration qui accueillait jadis ses discours. C’est pourquoi les avocats consistoriaux, par exemple, ne travaillent plus que le début de leurs rapports ; le reste n’est plus qu’un informe pêle-mêle où il n’y a ni lien ni transition. Les discours de circonstance et les sermons eux-mêmes sont tombés bien bas. S’agit-il de l’oraison funèbre d’un cardinal ou d’un grand, les exécuteurs testamentaires se gardent de s’adresser au meilleur orateur de la ville ; ils louent à bas prix quelque aventurier, quelque pédant sans vergogne, qui n’aspire qu’à se faire à tout prix une certaine notoriété. Le mort, se dit-on, est insensible à la présence de ce singe habillé de deuil qui, du haut de la chaire, commence par faire entendre une voix sourde et larmoyante pour se laisser aller peu à peu à de véritables hurlements. Même les sermons prononcés les jours de fête, quand le pontife officie en personne, sont maigrement rétribués ; ce sont encore des moines de tous les ordres qui se sont emparés de la chaire et qui prêchent comme s’ils étaient en face des auditeurs les plus barbares. Il y a quelques années encore, un pareil sermon, prononcé à la messe en présence du Pape, pouvait conduire à la dignité épiscopale. »