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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/350

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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

bre impression du sac de Rome, dont les conséquences n’épargnent pas même les lettrés, et qui apparaît à l’auteur comme le dernier et le plus cruel des coups qu’un destin ennemi ne cesse depuis longtemps de porter à l’Italie. Pierio obéit à un sentiment juste et vrai en somme ; il ne va pas imaginer un démon envieux qui persécute les gens d’esprit à cause de leur génie ; il se borne, au contraire, à constater des faits où le hasard a souvent la plus grande part. Il ne veut ni écrire une tragédie, ni montrer les événements comme étant le résultat du conflit de causes d’un ordre supérieur ; c’est pourquoi il raconte aussi des choses vulgaires. Nous apprenons à connaître des gens qui, à des époques troublées, perdent d’abord leurs revenus, puis aussi leurs places, des ambitieux qui courent deux emplois et n’en obtiennent aucun, des avares misanthropes qui portent toujours leur argent cousu sur eux et qui meurent fous après en avoir été dépouillés, d’autres qui acceptent des lits dans un hospice et qui ensuite se consument de regret d’avoir perdu leur liberté. Puis l’auteur s’apitoie sur nombre d’individus qui sont morts de la fièvre ou de la peste, et dont les écrits sont brûlés en même temps que leur literie et leurs habits ; d’autres sont menacés dans leur vie par des collègues jaloux ; tel est assassiné par un domestique rapace ; tel autre est arrêté en voyage par des malfaiteurs et languit dans un cachot parce qu’il ne peut pas payer de rançon. Plus d’un meurt rongé par un chagrin secret, à la suite d’une humiliation trop vivement ressentie ; un Vénitien est emporté par la douleur, parce que son fils, un enfant prodige, est mort ; la mère et l’oncle ne tardent pas à mourir à leur tour, comme si l’enfant les entraînait tous dans la tombe. Un certain nombre de lettrés, surtout des Florentins, finissent par