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CHAPITRE IV. — LES PETITS TYRANS.

donnée à celle des maisons d’Este et de Sforza. Par contre, quels sanglants désordres, quelles cruautés ne trouvons-nous pas chez les Varanni de Camerino, les Malatesta de Rimini, les Manfreddi de Faenza, et surtout chez les Baglioni de Pérouse ! Nous sommes admirablement renseignés sur l’histoire de cette dernière famille vers la fin du quinzième siècle, par les chroniques de Graziani et de Matarazzo[1], qui sont des sources précieuses.

Les Baglioni, dont on disait qu’ils naissaient l’épée au côté, étaient une de ces familles dont la puissance n’avait pas revêtu le caractère d’une véritable principauté, mais reposait plutôt sur une primatie locale, sur de grandes richesses et sur une influence souveraine dans la nomination aux emplois. On reconnaissait un membre de la famille comme chef de tous les autres ; mais une haine profonde et cachée divisait les membres des différentes branches. Les Baglioni avaient contre eux le parti de la noblesse, dirigé par les Oddi ; tout ce monde ne sortait qu’armé (vers 1487), et toutes les maisons des grands étaient pleines de bravi ; tous les jours il y avait des scènes de violence ; à l’occasion des funérailles d’un étudiant allemand assassiné, deux colléges prirent les armes l’un contre l’autre ; quelquefois même les bravi de différentes maisons se livraient des batailles en pleine place publique. Les marchands et les ouvriers avaient beau gémir, les gouverneurs et les neveux pontificaux gardaient le silence ou s’éclipsaient. Enfin les Oddi sont obligés de quitter Pérouse ; à partir de ce moment la ville devient une citadelle assiégée, sous l’autorité absolue des Baglioni, qui convertissent le

  1. Archiv. stor., XVI, parte I et II, éd. Bonaini, Fabretti, Polidori.