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CHAPITRE IV. — LES PETITS TYRANS.

afin de pouvoir les prendre tous d’un seul coup de filet ; mais Guido fut d’avis que le plus beau de tous les spectacles serait de voir réunis tous les hommes armés que Pérouse comptait dans ses murs ; là-dessus le Pape renonça à son projet. Bientôt après les proscrits tentèrent un nouveau coup de main, et cette fois les Baglioni ne durent la victoire qu’à leur intrépidité personnelle. C’est dans cette circonstance que Simonetto Baglione, âgé de dix-huit ans seulement, se défendit sur la place avec une poignée d’hommes contre plusieurs centaines d’ennemis ; il tomba frappé de plus de vingt blessures, mais se releva quand Astorre Baglione vint à son secours, se remit en selle avec son armure en fer doré et son casque orné d’un faucon : « il s’élança dans la mêlée, beau, fier et irrésistible comme Mars lui-même ».

En ce temps-là, Raphaël, âgé de douze ans, étudiait la peinture sous la direction de Pierre Pérugin. Peut-être a-t-il immortalisé des souvenirs de cette époque dans les petits tableaux, œuvres de sa jeunesse, où il a représenté saint Georges et saint Michel ; peut-être en reste-t-il une trace impérissable dans le grand tableau de saint Michel, et si Astorre Baglione a trouvé sa transfiguration quelque part, c’est certainement sous les traits de cet archange.

Les adversaires des Baglioni avaient succombé ou s’étaient enfuis sous l’impression d’une terreur panique, et ils étaient désormais hors d’état de renouveler une attaque de ce genre. Après quelque temps il y eut une réconciliation partielle, et un certain nombre d’entre eux purent rentrer dans leurs foyers. Mais Pérouse n’en devint ni plus tranquille, ni plus sûre ; la désunion qui régnait parmi les membres de la famille régnante ne tarda pas à éclater, et une série d’épouvantables forfaits