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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/49

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CHAPITRE V. — LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES.

dirent sombre et cruel ? toujours est-il qu’il se signale entre tous les princes d’alors par son épouvantable tyrannie. D’une activité Infatigable, reconnu comme uue des plus fortes têtes politiques, réglé dans sa vie, il applique toutes ses forces, la sûreté d’une mémoire implacable et la profondeur d’une dissimulation sans exemple à la destruction de ses ennemis. Blessé, autant qu’un prince peut l’étre, de la conduite des chefs et des barons, qui étaient ses parents par alliance et qui n’en étaient pas moins ligués avec tous ses ennemis extérieurs, il se fit une habitude des cruautés les plus monstrueuses. Pour se procurer les moyens de soutenir cette lutte et de subvenir aux frais de ses guerres extérieures, il recourut au système tout mahométan qu’avait employé Frédéric II. Le gouvernement seul faisait le commerce de l’huile et des blés; Ferrante avait centralisé le commerce en général entre les mains d’un grand marchand, nommé François Coppola, qui partageait les profits avec lui et qui imposait ses volontés à tous les armateurs; les emprunts forcés, les exécutions et les confiscations, la simonie, les contributions extraordinaires prélevées sur les corporations religieuses étaient les autres ressources. Outre la chasse, où il ne ménageait rien ni personne, il se livrait à deux genres de pfaisirs : il aimait à avoir dans son voisinage ses ennemis soit vivants et enfermés dans des cages bien solides, soit morts et embaumés, avec le costume quils portaient de leur vivant [1]. Il ricanait quand il parlait des prisonniers à ses confidents ; quant à sa collection de momies, il n’en faisait même pas mystère. Ses victimes étaient presque toutes des hommes dont

  1. miSs 'nii’’ '* discours d'un ambassadeur milanais, D.ano Ferm„, dans Mobat., XXIV, col. 294.