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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

d’appui, elle était juste assez forte pour empêcher toute unité dans l’avenir, sans toutefois pouvoir en créer une elle-même[1]. Entre l’Empire et le Saint-Siège il y avait une foule de corps politiques, villes et souverains despotiques, soit anciens déjà, soit récents, dont l’existence appartenait à l’ordre des faits purement matériels[2]. C’est là que l’esprit politique moderne apparaît pour la première fois, livré sans contrainte à ses propres instincts ; ces États ne montrent que trop souvent le déchaînement de l’égoïsme sous ses traits les plus horribles, de l’égoïsme qui foule aux pieds tous les droits et qui étouffe dans son germe toute saine culture ; mais quand cette funeste tendance est neutralisée par une cause quelconque, on voit surgir une nouvelle forme vivante dans le domaine de l’histoire ; c’est l’État apparaissant comme une création calculée, voulue, comme une machine savante. Dans les villes érigées en républiques, comme dans les États despotiques, cette vie se manifeste de cent façons différentes et détermine leur forme intérieure, aussi bien que leur politique extérieure. Nous nous bornerons à examiner le caractère avec lequel elle se montre dans les États despotiques, parce que c’est là que nous le trouverons plus complet et mieux accusé.

La situation intérieure des territoires obéissant à des souverains despotiques rappelait un modèle célèbre, celui de l’État normand de l’Italie inférieure et de la

  1. Machiavelli, Discorsi, I. I, c. xii. E la cagione, che la Italia non sia in quel medesimo termine, ne hahbia anch’ ella ò una Republica ò un prencipe che la governi, è solamente la Chiesa ; perche havendovi habitato e tenuto Imperio temporale non è stata si potente ne di tal virtu che l’habbia potuto occupare il restante d’ Italia e farsene prencipe.
  2. Les souverains et leurs partisans s’appellent ensemble lo stato ; plus tard, ce nom a pris la signification d’existence de tout un territoire.