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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

le caveau où il fut enseveli[1]. En général, c’est dans ces États italiens qu’on trouve le premier exemple de ces manifestations officielles d’un peuple s’associant par ordre aux sentiments de ses princes[2]. Respectables en principe, ces démonstrations sont généralement équivoques, surtout chez les poètes. Une des poésies de jeunesse de l’Arioste[3], composée à l’occasion de la mort de Léonore d’Aragon, femme d’Hercule Ier, contient déjà, outre les inévitables fleurs de rhétorique que tous les siècles prodiguent en pareil cas, quelques traits tout à fait modernes : « Cette mort a porté à Ferrare un coup dont elle ne se relèvera pas de sitôt ; la bienfaitrice de la ville sur la terre intercède maintenant pour elle dans le ciel, car ce monde n’était pas digne de la posséder. La mort ne s’est pas approchée d’elle avec cette faux sanglante dont elle menace les vulgaires humains ; elle est venue aimable (onesta) et souriante, de manière à n’avoir plus rien de terrible. » Parfois nous rencontrons l’expression de sentiments d’une tout autre nature : des nouvellistes qui ne vivaient que de la faveur de certaines maisons princières nous racontent les amours des princes, quelquefois de leur vivant[4], et cela d’une manière qui a paru aux siècles postérieurs le comble de l’indiscrétion, mais qui passait alors pour un innocent témoignage de reconnaissance. Des poëtes lyriques allaient jusqu’à chanter les passions extraconjugales de

  1. Déjà en 1446 les membres de la maison de Gonzague avaient suivi le canvoi mortuaire de Vittorino da Feltre.
  2. Un exemple très-ancien de ce fait, c’est Bernabé Visconti p. 14.
  3. Intitulé chapitre xix, et élégie 17 dans les Opere mtnori, ed. lemomner, vol. 1, p. 425 sans doute le poëte, âgé de dix-neuf ans, ne connaissait pas la cause de cette mort (p, 69).
  4. Voir Appendice no 2 à la fin du volume.