Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bases solides devait reposer une société qui, malgré ces histoires, respectait les formes, ue dépassait pas les bornes de la convenance, el qui, au milieu des distractions les plus futiles, était capable de revenir aux discussions sérieuses. C’est que le besoin de relever et d ennoblir les relations sociales était plus fort que tout le reste. Il ne faut pas prendre pour terme de comparaison la société fort idéalisée que Castiglioae, à la cour de Guidobaido d’Crbin, et Pietro Bembo, au château d’Asolo, présentent comme le but suprême de la vie. C’est précisément la société d’un Bandello, avec toutes les frivolités dont elle s’occupe, qui donne la meilleure mesure de la distinction, de la grâce facile, de la bienveillance, de la véritable liberté, et même de l’esprit, du goût délicat en matière de poésie et d’art qui distinguaient ces cercles. Un fait qui prouve surtout en faveur de cette société, c‘est que les dames qui en étaient l‘âme devenaient célèbres et jouissaient de la plus haute considération, sans que leur réputation en souffrît le moins du monde. Sans doute, une des protectrices de Bandello, Isabelle de Gonzague, de la maison d’Este (t. I, p. 65), a donné prise à la médisance ; mais c’est à la conduite légère de ses demoiselles d’honneur[1], et non à ses propres écarts, qu’elle doit sa fâcheuse renommée. Julie de Gonzague-Colonna, Hippolyte Sforza, qui devint princesse de Bentivoglio, Blanche Rangoua, Cécile Gallerana, Camille Scarampa et d’autres furent absolument irréprochables, ou bien les fautes de leur vie privée ne diminuèrent en rien l’éclat de leur gloire. La dame la plus célèbre de l’Italie, Vittoria Colonna (née en 1490, morte en 1647), l’amie de Castiglione et de Michel-Ange, était

  1. Prato, Arch. stor, III, p. 309, nomme ces dames : Alquante ministre di Venere.